| 11.1896 | 
      Les Marnes dolomitiques luxembourgeolses
        à Nœrdange-sur-Attert 
         
        Dʳ D. R. 
         
        Ettelbruck 1896 
         
        Nous venons d’avoir sous les yeux une
        brochure de 8 pages, publiée sous ce            titre dans le but de faire acheter, par
        le cultivateur, les marnes de Nœrdange.
        D’après cet opuscule, ces marnes renferment de la chaux, de la magnésie,            de la potasse, de l’iode phosphorique et
        de l’azote, et, par conséquent, constituent
        un engrais complet au même titre que
        le fumier de ferme. C’est, comme on le voit, une vraie mine d’or... pour le Grand-Duché. 
         
        Il faudra pourtant en rabattre un peu
        sur la valeur de ces marnes ; en tout
        premier lieu, je dois vous avouer qu’on
        avait acheté ces terres dans le but d’y
        trouver les matières premières pour la
        fabrication du ciment romain. L’un des
        promoteurs de cette affaire m’a fait voir
        une analyse chimique du laboratoire d’Ettelbruck, d’après laquelle ces marnes possédaient la même composition que le
        ciment romain. Notez en passant que ce
        ciment renferme de 27 - 36 % de silice et d’alumine. Malgré tout, l’affaire
        n’a pu se monter, je ne sais pour quelle
        cause, et on a cherché à coller l'affaire
        ciment à des Belges. Ceux-ci ont fait
        d’abord exécuter des essais industriels
        dont les résultats ont été absolument
        négatifs. 
         
        Que faire de ces terrains achetés à            vil prix et pour ainsi dire rebelles à la
        culture ? Un coup prodigieux de baguette
        magique a transformé, sur le papier, le
        ciment en engrais chimique!! Voilà le
        tour joué. Ce n’est pas plus difficile. 
         
        Mais les faits parlent d’eux-mèmes. 
         
        Les analyses données à la page 7 accusent pour les matières utiles un total
        de 868, 700,6, 542,8 et 118,7, si on y
        comprend la chaux et la magnésie, matières qui dans le Luxembourg sont répandues à profusion dans diverses formations. Si nous prenons la moyenne
        des différentes couches, nous trouvons
        que, en transportant 1000 kg de ces
        marnes, il y aura 442,5 kg de matières inertes dont on devra payer le
        port.
         
         
        Si maintenant nous faisons abstraction
        de la chaux et de la magnésie, et si
        nous prenons les matières qui font l’objet
        de transactions sur le marché, c’est-à-dire la potasse, l’acide phosphorique et
        l'azote, nous trouvons pour ces matières
        une moyenne de 14 kg par tonne,
        ce qui revient à dire que pour avoir 14
        kg de matières réellement considérées
        comme engrais chimiques, on devra transporter 986 kg en plus. 
         
        Entrons encore plus avant dans le détail des analyses données à la page 7.
        On y renseigne la potasse avec une
        moyenne de 9,6 par mille, soit sensiblement 1 %, et on a soin de nous prévenir qu'elle est soluble dans l’acide
        chlorhydrique concentré (page 6). Ce résultat est plus que plausible. Ces marnes
        renferment de l’argile, qui est un silicate
        d’alumine et de potasse, et la potasse
        est mise en liberté par l’influence de
        l’acide concentré. Mais cet acide concentré, qui le mettra dans les terres?... 
         
        L’acide phosphorique n’accuse qu’une
        moyenne de 1.6 pour mille, soit 0,16
        %, c’est tout à fait insignifiant,
        et encore il s’y trouve dans l’état tribanique, c’est-à-dire soluble dans l'acide
        chlorhydrique concentré (page 6). Sa
        valeur industrielle ici est donc absolument nulle. Il existe pourtant dans le
        sol luxembourgeois des gisements de
        phosphate qui renferment jusque 20 %
        de phosphate de chaux. 
         
        Quant à l’azote, on ne nous dit pas
        pour quelle forme elle y existe. Est-ce
        de l’azote vitrique, ammoniacal ou de
        l’azote de l’air absolument sans valeur? 
         
        D’après ce que nous venons d’exposer
        rapidement, dans les marnes de Nœrdange, les matières chimiques (potasse, acide phosphorique et azote) y existent
        en si faible quantité et pour un état
        tel, que même à plus haute dose, ces
        substances seraient sans valeur sur le
        marché. D'où il suit que les marnes dolomitiques de Nœrdange ne peuvent servir avec quelque utilité que comme
        amendement, encore faut-il tenir compte
        de la présence d’un grand nombre de
        débris qui ne se délitent pas facilement ;
        ces rochers conviennent bien pour les
        sols sablonneux, à défaut de fumier de
        ferme, ef à condition que le prix de
        revient sur le terrain à amender ne dépasse pas le prix du sable. 
         
        Les marnes de Nœrdange appartiennent au keuper supérieur; cette couche
        n’est pas confinée à Nœrdange ; elle
        entre dans le Grand-Duché à l’ouest de
        Levelange, passe à Niederpallen, Useldange, Mersch, revient vers Dommeldange, où elle se termine en triangle ;
        elle passe à Medernach, Bigelbach, Echternach, de là elle se recourbe sur le
        sud, passe à Munsbach, à l’ouest de
        Remich et sort du Grand-Duché près
      de Schengen. Dʳ D. R. 
      (LIL: 13.11.1896)  |